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    Il est de ces règles de survie qu'on ne peut occulter, surtout lorsqu'on évolue dans un univers aussi sauvage et inhospitalier que le Danemark, et qui peuvent être utiles à rappeler aux futurs visiteurs qui se succèderont ici durant ce semestre. Parmi celles-ci, les règles de circulation.

    On a toujours dit que tout était très simple ici. Les voitures roulent sur la route, les vélos sur les pistes cyclables (en général séparées de la route par un talus, et assez larges pour rouler à deux de front), et les piétons sur les trottoirs. Il faut savoir que le piéton n'est pas roi: ainsi le trottoir peut subitement disparaître, ne laissant plus que la piste cyclable. Et là, gare aux vélos, fichtrement dangereux car rapides et silencieux.

    Il n'y a pas que les vélos qui vont à une vitesse folle, d'ailleurs. Les voitures ne sont pas en reste. La vitesse limite autorisée en ville est ici de 60 km/h, mais je doute que beaucoup de véhicules ne la respectent. Les transports en commun ne sont pas en reste: c'est bien la première fois que je vois des bus dépasser des voitures, en ville ! D'ailleurs, rester debout dans un bus est un délicat exercice de force et d'équilibre.

    Alors oui, tout ça c'est bien dangereux. Ici quand on cartonne, on ne cartonne pas à moitié. D'ailleurs une gerbe de fleurs a été déposée en face de la School of Business, là où je change de bus chaque matin. Mais paradoxalement, on voit peu d'accidents. La mortalité sur la route est d'ailleurs -proportionnellement- deux fois moins élevée au Danemark qu'en France (voir ce rapport des Nations Unies). Comment l'expliquer ?

    Tout simplement par un respect des règles élémentaires. Ici, personne ne traverse lorsque le petit bonhomme est rouge. Quant à traverser à un endroit où il n'y a pas de passage piéton, sauf cas de force majeure, c'est même pas la peine d'y penser. Les vélos ont, quant à eux, leurs propres feux tricolores. Là encore, le respect est de rigueur. Et comme ils disposent de leurs propres voies de circulation et que les piétons, comme sus-cité, ne mettent leur pied sur la route qu'en présence d'un passage clouté et d'un bonhomme vert, les voitures peuvent se permettre de rouler vite -voire très vite- sur les droits, immenses et larges boulevards que sont les routes danoises.

    Alors après, on apprécie (sécurisant) ou on apprécie pas (perte de temps, d'originalité et de caractère), à chacun son point de vue. Mais ce qui est amusant, c'est de constater les réactions des autochtones lorsqu'ils se retrouvent confrontée à une situation qu'ils ne connaissent pas, ou peu: à l'arrêt de bus de ma résidence, il n'y a pas de passage piéton. Et aux heures de grande affluence, là où j'arrive à traverser en quelques secondes, certains danois attendront plusieurs minutes. C'est aussi ça, la culture française.


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  • REUTERS - AARHUS (DK), 20/02/2008. Bad news for French people. France lost the world championship of the University of Aarhus of tabletennis tonight. France and Germany were opposit in final, but Germany was better and won 3 sets to 0. The scene took place in the famous stadium of the Veljbykollegiet, in Risskov. But some advisers said that the German player disturbed his partner with a count in different languages (always switching between german, danish, french and english). Never the less, the German team stays winner, because of the pizza after the match.

    Sinon, et c'est incontestable, ça a son charme de fêter son anniversaire loin de chez soi. D'abord parce qu'on reçoit plein de mails, ensuite parce qu'on se fait souhaiter son anniversaire dans tout plein de langues différentes, en français, en danois, en anglais, en allemand... Alors merci à tous, tak til alle, thank you to everybody, danke schön für alles... Pas trop la classe, ça ?

    Quant aux émeutes qui agitent le Danemark depuis plus d'une semaine (voir le billet de vendredi), elles semblent s'être calmées à l'intérieur du pays. Une partie des émeutiers auraient signé une pétition expliquant leurs gestes, et indiquant l'arrêt des troubles. Retour au calme et début des débats politiques, bref, tout le monde pensait la situation revenue à la normale, comme je l'expliquait dimanche. C'était occulter la bombe qui a explosé ce matin à l'entrée d'un saunarium, à Copenhague. Heureusement, pas de victimes, mais d'importants dégâts matériels et une évacuation d'une partie du quartier le temps de vérifier le contenu d'autres sacs suspects.

    Crédits photo: Jyllands-Posten.dk

    Les hommes soupçonnés de l'attentat, non revendiqué, ont été décris par des témoins comme d'origine orientale. De là à relier l'explosion avec les émeutes récentes, il y a un pas que les journaux danois n'ont pas franchi. Echaudés par la situation actuelle, à laquelle on peut leur imputer une part de responsabilité ? Il est vrai que la police danoise, elle-même prudente, a déclaré exclure la piste terroriste. Déclaration tombant bien, au moment où de nombreux pays islamistes, au premier rang desquels l'Iran, appelent au boycott du Danemark. Bref, le silence semble satisfaire tout le monde. Les sites d'information danois relaient bien vite l'explosion en bas de page. Quant aux autres médias occidentaux, ils n'auront même pas évoqué le sujet.

    Et c'est là que l'étonnement pointe. Pourquoi aucun média anglophone, francophone ou germanophone visible sur le Net, crédible ou pas, professionnel ou pas, à orientations politiques ou religieuses ou pas, n'en a parlé ? Pourtant, une porte a été défoncée par cet attentat. Pour les plus conservateurs, c'est une bonne occasion de montrer que les immigrés sont à l'origine des problèmes du Danemark, et qu'il est temps de fermer les frontières. Pour les défenseurs des droits de l'homme au contraire, c'est une nouvelle preuve qu'on met tout sur les dos des immigrés sans preuve et sans fondement. Pire, pour les amateurs de complots en tout genre, on pourrait y voir la main des fondamentalistes musulmans, d'Al-Qaïda ou de l'Iran. Certes, aucun élément ne permet de confirmer ni d'infirmer l'une de ces thèses, mais les journalistes sont imaginatifs et friands d'affaires un peu étranges. Pourtant là, le mutisme est général.

    La seule explication qui me vient à l'esprit, c'est le concept de circulation circulaire de l'information, si chère à Bourdieu. Traduction: la presse ne relaie qu'une information qui est déjà dans le circuit -scoops exceptionnels mis de côté, bien sûr. Les médias transmettent donc tous la même information, et ne diffèrent que sur la façon dont ils la traitent. A l'information de rentrer dans le circuit, elle y sera ensuite traitée à sa juste valeur -ou à sa valeur marchande.

    Or, pour rentrer sur le circuit, il semblerait qu'elle ait besoin des agences de presse. Reuters, AFP, AP. Sans elles et leurs dépêches matinales, l' "affaire des caricatures II" de la semaine dernière n'aurait jamais connu un tel éclairage dans les médias du monde entier. Aucune d'elle n'a choisi de médiatiser l'attentat de ce matin -en dehors des circuits professionnels du moins. Erreur professionnelle ou choix responsable ? Là n'est pas la question. Le problème est plutôt ce constat: sans agence de presse, pas d'information. Conséquence directe: l'indépendance des agences de presse est une question vitale pour la démocratie -sujet sensible alors que Bolloré s'apprête à racheter la branche française d'AP. Et constat plus général: les journalistes ne vont plus à la pêche à l'information. Question de temps ou de budget, mais rien de bien nouveau, n'est-ce pas ?


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  • Je n'ai jamais aimé les anniversaires. D'abord parce qu'un anniversaire, ça tombe à une date précise, et que cette date, il faut s'en souvenir. Mais moi et les dates, c'est pas trop ça - comble pour un historien. Les numéros de téléphone, les sons, les images, les noms, les citations, les blagues (?), pas de soucis. Mais les dates, non, vraiment. Ca fait plus de dix ans que j'essaie de me rappeler que mon meilleur ami est né le 30 janvier, non pas le 31. Ou l'inverse, je ne sais plus.

    Alors, il faut trouver la parade. « Désolé, j'y ai pensé tous les jours de la semaine qui précédait, mais le jour même, je sais pas ce qui s'est passé... » Ou pousser à son paroxysme l'excuse bidon. « Je t'ai envoyé un fax, un texto, un e-mail, et t'ai laissé un message sur ton répondeur, tu les as pas reçus ?? Ah, saleté de technologie... » Ou encore jouer franc jeu. « Tu sais, moi et les dates, voilà quoi, faut pas m'en vouloir... » Voire jouer complètement franc jeu. « Sérieux ?! C'était ton anniversaire ? J'avais complètement zappé ! Eh mecton, va falloir fêter ça !! »

    Il y a aussi ceux dont on ne peut pas louper le leur, d'anniversaire. Leurs pseudonymes sur Messenger, après avoir entamé un compte à rebours plusieurs semaine auparavant, en jours puis en heures, affichent quelque chose du genre « TRO BI1 C MON ANIV OJRD8 !! G 1 AN 2 + !!! ». Plus discret, tu peux mourir noyé dans un trou d'air. Ayant réussi leur matraquage psychologique et méthodique sur leurs amis, ils ont en général droit à plein de petits cadeaux ou de cartes très tôt dans la journée, accueillis à grands cris de joie et d'embrassades effrénées, comme si c'était une surprise. Et -inconscience ou non ?- histoire de rappeler au reste de l'univers qu'il y a un heureux évènement à ne surtout pas oublier aujourd'hui. Et puis on programme tout plein de fêtes, entre copains, entre copines, avec les meilleurs amis, les collègues, les coéquipiers, les voisins, le concierge, la charcutière, les policiers municipaux, les frères et les soeurs. Le bonheur.

    La fête, la fête. Toujours la fête. C'est effectivement une belle occasion de revoir ses amis, sa famille, d'organiser une grosse soirée, un grand repas, de ressortir l'argenterie familiale ou les vieilles bouteilles de vodka achetées moitié-prix en Andorre l'été dernier. D'accord. Mais la fête, ça peut aussi devenir un carcan. Besoin de prétextes pour réunir ses amis, sa famille. Et si l'on se voyait pour rien, aussi, de temps en temps ? Pourquoi ne fêterions-nous pas rien ? Et puis, l'anniversaire, on le célèbrera à la prochaine fête, on est pas à une semaine près ! Allez, à bas les traditions, abrongeons les conventions ! Je fêterai mes dix-huit ans avec les amis -en famille ce fut plutôt grandiose- avant la trentaine, promis !

    Et puis, inviter quelqu'un à son anniversaire... Quel délicat exercice ! C'est -forcément- toujours gênant, pour les deux partis. L'un, parce que dans l'immense majorité des cas, il aquiesce et s'interrogeant: « son anniversaire... quand est-ce déjà... arf, j'espère que ça n'est pas encore passé sinon j'ai l'air fin... vite, mon téléphone, F. doit bien savoir ça, quand même ». Pour l'autre parti, c'est l'ultime défi: « se souviendra-t-il que c'est aujourd'hui... mmmh, visiblement non », doublé d'un adroit rappel « eh, t'oublies pas mon cadeau, hein ? ».

    Foutu cadeau. Va trouver ce qui va lui faire plaisir, bougre de gredin. Le problème, c'est cette universelle loi de Murphy. Toute l'année, vous voyez des articles sympatiques, décalés, intéressants, calés dans votre budget, et puis le jour où vous vous décidez à trouver un cadeau... Plus rien. Plus d'idée, plus rien d'intéressant en vitrine comme dans les recoins poussièreux des boutiques où personne ne va sauf vous parce qu'il n'y avait plus que ces quelques centimètres carrés qui avaient échappé à votre regard qui est maintenant vide et désillusionné - votre regard, pas le magasin. Les yeux globuleux, la bave à la commissure des lèvres, l'esprit embrumé et désormais dénué de tout discernement, vous finissez par jeter votre dévolu sur quelque chose que vous aviez jugé d'un air dédaigneux au début de votre chasse. « Tant pis, mais maintenant qu'on me laisse mourir tranquille ! »

    Alors, évidemment, tout n'est pas obligé de se passer comme sus-cité. Evidemment qu'on trouve parfois des cadeaux, qu'on se souvient des dates d'anniversaire, et même, si ça n'est pas le cas, que ça n'a pas trop d'importance de s'en rappeler ou non, que dans le fond c'est juste une bonne occasion de se revoir et de montrer à l'autre qu'on tient à lui. Alors, évidemment, ça change un peu tout, et ça peut faire plaisir. Mais quand même. L'anniversaire est un concept qui me dérange. Ne serait-ce que par esprit de contradiction. Et au nom de l'humour, accessoirement.

    Il est minuit cinquante-deux. Ne m'en déplaise, depuis cinquante-deux minutes, j'ai vingt ans. Santé !


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  • Viborvej in the sunrise...
     

     

    Again, there was a burglary in my residence few days ago. Young people were trying to destroy a window when someone saw them. It does not matter for me: I leave upstairs. Break my window is not a problem ; enter in my room is a bit more difficult without ladder or fire engine - but firemen need their in Gellerup at present...

    Those problems are not new. In december, during the vacations, they -the same people- entered in one flat, but there was nothing to steal. Last summer some flats were also visited, and few laptops stolen. It's why the residence committee decided to organize a meeting to find solutions to those problems. So, we were around twenty people in a flat tonight. Laura, my spanish neighbour, Christian the german guy (who's doing his PhD!), me and the rest of danish people. But Jacob started the meeting by saying « well, we will speak in english because there is some of us who are exchange students ». The discussion started in english, continued and finished in english...

    Amazing ! In France, in the same situation, the « normal being » is to speak in french, even if there is foreigners people with us. If they don't speak french ? « F*** off, you're studying in France, you have to speak french »...

     

    Otherwise, what's happening in Denmark ? Some troubles. And new informations: according several newspapers, the troubles started before the publication of the caricatures (on wednesday). There was some problems in Copenhagen as soon as last sunday night. Misery is an explication brought by francophone medias, but... Misery in Denmark is not really misery. Go in the parisian region, you'll see what's misery - in the case of rich countries.

    We're always listening or reading about troubles in Gellerup, the worst place of Århus. Newspapers show garbages, cars or shops burned. Police speaks about « crazy nights ». The busses company changes the bus routes, who are no going to Gellerup anymore. But... it seems to be relatively quiet. I went to Gellerup on friday, in the middle of the night. There was nothing. I met only one car of police. Of course, there was big cars like BMW or Mercedes with strange men inside, but it's the « normal » situation of drug's traffics, not for garbage-fires making. The number of arrested people is not really significatif, because of the police behaviour: danish policemen are « cow-boys » here. Especially in Gellerup, can we imagine.

    Danish people seems to be afraid by the situation. A bit less for me. As Michal could say: « I don't care ».


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    Drapeaux brûlés et ambassades mises sous sécurité renforcée au Moyen-Orient, voitures et magasins incendiés, bus pris d'assaut... le Danemark s'est levé ce matin avec la gueule de bois et le désagréable sentiment de revivre le même cauchemar que deux ans plus tôt, lorsque l'affaire des caricatures de Mahomet avait enflammé le pays, embrasé une partie du monde musulman et causé la mort de plusieurs dizaines de personnes dans le monde. Le quotidien gratuit à grand tirage « Nyhedsavisen » (voir ci-dessus) osait même titrer sa Une d'un provocant « Muhammedkrisen II ». Ambiance.

    Un attentat déjoué

    A l'origine de ces évènements, l'arrestation dans la nuit de lundi à mardi à Århus de trois hommes soupçonnés de préparer un attentat contre Kurt Westergaard, l'auteur de la caricature la plus controversée, sur laquelle le prophète Mahomet était représenté, une bombe en guise de turban. L'annonce du coup de filet est faite mardi, au petit matin, par les services secrets danois, rapidement relayée par les grandes agences de presse Reuters, AP et AFP. Les réactions sont immédiates et virulentes dans le pays, du monde politique aux grandes associations musulmanes scandinaves, en passant par la presse danoise qui fait, sur le web comme à la télé, cause commune autour du Jyllands-Posten et de son dessinateur. Très vite, sentant l'odeur de souffre, les grandes chaînes d'information américaines, à l'instar de CNN ou d'ABC News (voir le billet de mardi), s'emparent de la nouvelle, lui donnant une résonnance internationale. Mais, manque d'image oblige, l'information est commentée sur fond de photos prises lors d'émeutes en 2006.

    Mercredi matin -seulement, délais d'édition oblige-, les journaux s'emparent de l'affaire. Dix-sept journaux danois publient à cette occasion un ou plusieurs des dessins qui avaient déclenché l'affaire des caricatures, dont évidemment celui de Kurt Westergaard. Si certaines rédactions précisent prudemment les publier pour "documentation", d'autres ne cachent pas revendiquer ainsi leur liberté d'expression. Et les réactions ne se font pas attendre. Signe fort venu du monde islamiste, le ministre des affaires étrangères iranien convoque l'ambassadeur danois pour lui signifer son couroux. Le lendemain jeudi, plusieurs députés koweïtien appellent au boycottage politique et économique. Même son de cloche de la part du Hamas palestinien, qui demande le même jour des excuses officielles.

    Dans le même temps, la police danoise rappelle que cette arrestation n'était que « préventive », et que selon toute probabilité, les trois hommes n'étaient pas en mesure d'attenter à la vie du caricaturiste dans l'immédiat. Faute de preuves, les deux tunisiens seront expulsés dans leur pays ; quant au troisième, un danois d'origine marocaine, il est remis en liberté surveillée. Une issue qui arrange bien les services secrets danois, qui ne seront pas obligés de dévoiler leurs méthodes d'investigation au cours d'un éventuel procès. Et qui n'auront pas à se justifier de l'arrestation des trois hommes, précisent les mauvaises langues. D'un « attentat déjoué » comme l'annonçait très vite la presse, on est vite revenu à de simples « arrestations préventives », comme la police l'avait annoncé au départ. Un grand battage médiatique pour pas grand-chose ?


    La fameuse caricature de Kurt Westergaard

     

    La poudrière islamiste danoise

    Le problème, c'est que l'islam -dans sa forme radicale, il s'entend- repose au Danemark sur une véritable poudrière (déjà évoquée dans ce billet en septembre dernier, d'ailleurs titré «le calme avant la tempête ?»). La plaie de 2006 ne s'est pas refermée, bien au contraire. La publication des caricatures mercredi a entraîné une vague de révolte et d'actes de délinquance. Mercredi, un bus a été pris d'assaut à Brabrand, le « ghetto » d'Århus, et n'a été libéré qu'à l'arrivée de la police. Puis dans la nuit, des voitures et des commerces ont brûlé un peu partout dans le pays. Faisant la Une des journaux le lendemain. La violence appelant la violence, ce matin encore les journaux consacraient des pleines pages aux violences du début de nuit dernière comme à celles de la précédente. Traumatisant pour un pays peu habitué à ce genre de délinquance.

    Evidemment, cette affaire n'est -pour l'instant- pas en mesure d'inquiéter l'économie et la sécurité du pays. A l'intérieur des frontières, la violence ne reste concentrée qu'aux quelques banlieues « chaudes » que compte le Danemark, et risque surtout de creuser l'écart déjà existant entre la minorité musulmane et la communauté danoise. Au niveau international, même si certains partis islamistes ont fait entendre leur voix, même si le Dannebrog (le drapeau danois, hautement symbolique ici) a déjà été brûlé au Pakistan, la situation est loin d'être aussi dramatique que deux ans plus tôt. Pour l'instant.

     

    Des médias responsables ?

    Il est bien évident que toutes ces réactions violentes (des cités danoises comme des partis, gouvernements ou responsables islamistes) sont inacceptables, condamnables, caricaturales et navrantes pour la religion musulmane, il est utile de s'interroger également sur le rôle de la presse dans cette affaire. La presse danoise a-t-elle eu raison de publier les caricatures mercredi ? La presse internationale a-t-elle eu raison d'accorder une telle place à « l'arrestation préventive » de trois hommes à priori « incapables d'opérer » ? La police a-t-elle eu raison d'annoncer aussi bruyamment qu'elle venait d' « empêcher un attentat » ?

    A reprendre les éléments du communiqué de la police de mardi matin, celle-ci ne semble pas éxagérer outre mesure en indiquant avoir « empêché un meurtre lié au terrorisme », notant que cette opération « doit avant tout être perçue comme une mesure préventive ». Meurtre, terrorisme et caricatures ; trois mots qui suffirent pourtant à attirer l'attention des médias du monde entier, dont au premier rang les chaînes d'informations continues américaines. Qui n'eurent visiblement aucun remord à montrer des images de manifestations de 2006, avec drapeaux danois brûlés et émeutes plus ou moins violentes, une voix en « off » narrant l'arrestation des trois « ex-futurs-terroristes présumés ». Amalgame dramatique tant le cocktail était explosif, au Danemark comme -surtout- au Moyen-Orient.

    L'autre épisode de cet embrasement médiatique, c'est la publication de ces caricatures dans dix-sept journaux mercredi. Au nom de la liberté d'expression, précisaient certains. Ne fallait-il pourtant pas s'autocensurer ?

    Bien sûr, la liberté d'expression et la liberté de la presse sont deux fondamentaux pour une société juste et démocratique. Ce sont même des fondements. Bien sûr, la menace qui pesait -et qui pèse toujours- sur Kurt Westergaard est inacceptable et révoltante. Bien sûr, il fallait se montrer solidaire du dessinateur et de son journal, et réagir contre les dérives de l'extrêmisme religieux. Cependant, publier ces dessins, c'était, immanquablement, risquer de mettre un coup de pied dans la fourmillière de l'islamisme danois. Les journalistes ne sont pas idiots et, mieux que quiconque, ils savaient que cela serait assimilé à de la provocation. Et que cette provocation trouverait réponse dans la violence urbaine à l'échelle nationale, et dans de nouvelles tensions à l'échelle internationale.

    Le sujet est vaste, et le débat éternel. Il a nourri les conversations pendant plus de deux ans, au Danemark. Et au moment où l'on ne l'attendait plus, le voilà qu'il ressurgit. Fallait-il publier ces caricatures mercredi ? A première vue, oui. Mais avec pour inévitable postulat le risque d'enflammer un brasier à peine éteint ? Là, permettez-moi d'être dubitatif...

     

    Quant à ce blog, au nom de la liberté d'expression, il prend la responsabilité de publier la caricature si controversée. Je n'irai juste plus faire mon footing dans le ghetto de Brabrand... ;)


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