• Beijing 2008 : un fiasco nécessaire ?

    Enfin, Jaques Rogge a pris ses responsabilités. Le président du Comité International Olympique a ce matin appelé la Chine à respecter ses engagements pris en 2001, lorsque le CIO avait accordé à Pékin l'organisation des Jeux Olympiques de 2008. Déclarant, selon Le Monde.fr: « Avant l'attribution, les représentants ont dit [...] que 'accorder à la Chine ferait avancer la question sociale, notamment les droits de l'homme'. Nous demandons à la Chine de respecter cet engagement moral ».

    La réaction de la Chine ne s'est pas fait attendre. La porte-parole du ministère des affaires étrangères s'est, de nouveau, insurgée que l'on introduise des facteurs politiques aux JO, principe contraire à la Charte Olympique. Le CIO se trouve donc confronté à un absurde dilemne kafkaïen dans lequel il s'est lui-même jeté sept ans plus tôt: faire pression sur la Chine et bafouer le principe basique des Jeux Olympiques, ou s'effacer au profit du sport et de l'humanité. Gageons que les membres du CIO suivront la voie tracée par leur président, qui après avoir beaucoup hésité, semble se tourner vers l'option première. Quitte à gâcher -une partie de- la fête ?

    Il ne faut pas se leurrer. Pour tout athlète, les Jeux Olympiques représentent l'apogée d'une carrière. Pour tout athlète, les Jeux Olympiques représentent l'accomplissement de toute une vie consacrée au sport, et de plusieurs mois -voire années- consacrées à ce but seul. En outre, l'objectif premier de l'olympisme -l'universalité- est un principe fondamental ne pouvant être transgressé: une fois sur la piste, tout individu, qu'il vienne d'un état communiste totalitaire ou d'une démocratie parlementaire, n'est qu'un adversaire comme un autre, qu'un homme comme un autre. Là aussi est la beauté du sport. Bien sûr, un boycott des Jeux Olympiques n'est pas un acte envisageable.

    Mais arrêtons un peu l'hypocrisie. Depuis sept ans, on sait que les JO seraient organisés en Chine. Depuis sept ans, les associations des droits de l'homme avertissent des dérives du régime chinois. Et comme par hasard, il aura fallu attendre l'explosion de la poudrière tibétaine pour voir -enfin!- une mobilisation internationale. Mobilisation (plus ou moins violente) qui, petit à petit, est remontée jusqu'aux oreilles des « grands » de ce monde: après s'être montré prudent, Sarkozy, appuyé par une vindicative Rama Yade, semble se montrer de plus en plus circonspect à l'égard de la Chine et de sa présence à la cérémonie d'ouverture. Il sera alors à la tête de l'Union Européenne, doit-on y voir un espoir ? Fermeté en outre renforcée par les gouvernements britanniques et allemands. Enfin au Etats-Unis, si l'on ne sait pas si Bush sera présent à Beijing le 8 août, les pressions -dont celles d'Hillary Clinton- s'accentuent en faveur d'un boycott présidentiel.

    Alors désolé si ça peut choquer, mais la violence était nécessaire. La violence du geste devant le siège de France Télévision -siffler un athlète handicapé porteur de la flamme- est terrible, dramatique et traumatisante, mais elle a permis de mettre en évidence la mascarade de « fête olympique » organisée par les dirigeants chinois autour de la flamme. On ne fait pas une fête olympique avec des forces spéciales et des décisions proches de la censure (outre la scène à France Télévision, alors que France 2 était en direct, rappelons que sur les 9,6 kilomètres parcourus à San Francisco, la flamme en a parcouru 3... dans des entrepôts vides !).

    Alors bien sûr, la flamme ne sera pas stoppée, contrairement à ce que la presse laisse à penser ces jours-ci. Trop d'intérêts financiers en jeu d'abord: Samsung, Coca-Cola et Levono (un groupe chinois) ont déboursé près de 50 millions de dollars pour sponsoriser son grandiose parcours (long de 137.000 kilomètres). Trop d'intérêts politiques aussi: quel camouflet pour le régime chinois s'il voyait cette flamme, symbole de la grandeur retrouvée de la Chine dans le monde, s'interrompre si brutalement ! Et en même temps, une interruption n'est pas souhaitable, la différenciation entre le régime chinois et le peuple chinois devant faire office de postulat systématique. Amalgame qui mènerait, sinon à un inutile racisme anti-chinois d'un côté, au moins à un inquiétant racisme anti-occidental de l'autre.

    Il reste quatre mois avant les JO. Quatre mois, c'est long. D'ici là, le régime chinois a le temps de réouvrir le Tibet aux journalistes, de libérer Hu Jia et d'accorder aux journalistes présents à Beijing en août une liberté entière. D'ici là, les dirigeants communistes ont aussi le temps de durcir la répression, de museler la parole opposante et de faire du Tibet un no man's land médiatique. La mobilisation va-t-elle continuer ? La pression médiatique, d'ordinaire si volatile, va-t-elle se prolonger ? C'est là toute la question. Mais si c'est le cas, alors pourra-t-on espérer quelques signes d'ouverture de la part du régime chinois. Non pas sur la démocratie qui, comme l'indépendance du Tibet d'ailleurs, est un non-sujet. Mais sur les droits de l'homme, le bras de fer psychologique ne fait que commencer. 

    Toute pression de la rue est vaine et inutile sans relais politique. Les « grands » de ce monde sauront-ils résister aux silencieux et cyniques lobbyings financiers qui régissent le monde du sport ? Nicolas Sarkozy, pour ne prendre que lui, saura-t-il faire marquer son opposition aux agissements chinois, alors que tant d'intérêts sont en jeu ? Pour rappel, l'entreprise chargée de brouiller les télécommunications au Tibet, le coupant du reste du monde, est Thalès. Entreprise française dont l'actionnaire principal, à hauteur de 27,3%, est... l'Etat français lui-même. CQFD.


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