• Flexsécurité au Danemark: un modèle en péril

    A l'heure où l'on nous parle d'un « état en faillite » qui « n'a plus d'argent dans les caisses », le cas du Danemark, souvent cité en exemple dans l'hexagone, semble faire fantasmer les dirigeants français. Fini  des maux de pouvoir d'achat, de chômage ou de dette publique, le gouvernement danois se voit même obligé de ralentir l'économie. Idéal. Ce serait occulter un nuage qui menace d'assombrir l'avenir du pays.

    Le projet de loi des finances 2008,  présenté ce mardi 5 février seulement (en raison des législatives anticipées d'octobre dernier), annonce un budget une nouvelle fois excédentaire, mais également restrictif afin de soulager l'économie du pays.

    Le surplus bugétaire, estimé à 66,7 milliards de couronnes (9 milliards d'euros, soit 3,8% du PIB), devrait servir à rembourser une partie de la dette publique intérieure -la dette extérieure ayant été réglée en 2006-, mais pourrait également être utilisé pour former un « fond économique » destiné à financer certains investissements et grands projets, à l'instar du modèle norvégien. Cette masse d'argent mise "hors circuit" permettra surtout de créer un appel d'air dans une économie en surchauffe.

    C'est que le Danemark fait aujourd'hui face à une crise de main d'oeuvre, le chômage ayant atteint son plus bas niveau depuis 30 ans (3,3% fin 2007). Dans cette situation de plein emploi, les salaires s'envolent (+4,5 à 5% par an), et l'inflation avec. Risquant de perdre son attractivité face à ses concurrents, dont au premier rang l'Allemagne, le gouvernement danois doit ralentir l'économie et freiner la hausse des salaires.

    « C'est pourquoi il est important de geler 1% du budget de fonctionnement des ministères cette année », a justifié devant la presse le ministre des Finances Lars Løkke Rasmussen. Ce ralentissement est d'autant plus nécessaire que la croissance, selon la conjoncture actuelle, pourrait chuter à 1,0% en 2009, alors qu'elle était encore de 2,8% en 2005 !

    Pour enrayer les hausses des salaires et pourvoir les emplois libres, le Danemark a besoin de main d'oeuvre étrangère, mais le gouvernement se trouve opposé à une opinion publique défavorable. Pour attirer des migrants, le gouvernement souhaiterait en effet baisser les lourds impôts qui pèsent sur l'ensemble de la population. Or les danois craignent que cela ne nuise à la qualité de leur état-providence: soins médicaux gratuits, éducation gratuite, étudiants subventionnés sans critères sociaux, allocations chômage confortables, subventions importantes aux associations, infrastructures modernes et de qualité, sécurité et tranquilité...

    Une tranche de l'électorat qui voit d'un mauvais oeil l'ouverture des frontières se tourne donc vers le parti populaire d'extrême-droite (13,8% aux dernières législatives). Fort de sa position décisive dans la coalition libérale-conservatrice au pouvoir depuis 2001, le Parti du Peuple est à l'origine de lois d'immigrations particulièrement strictes. Obligeant le gouvernement à un jeux d'équilibriste, entre intérêt général et compromis parlementaires.

    A l'origine de cette réussite économique, il y a bien sûr les importants revenus du pétrole et du gaz que le Danemark s'est mis à exporter voilà une dizaine d'années - et qui explique en partie son intérêt à conserver le Groëland. Il y a aussi la tradition maritime commerciale de ce pays: AP Moller-Maersk, plus grosse société danoise, est le premier armateur mondial de porte-conteneurs.

    Enfin et surtout, le système de flexsécurité, combinant souplesses à l'embauche et allocations chômages généreuses (90% du dernier salaire, non dégressif pendant deux ans), et à la formation continue et performante, a fait preuve de son efficacité. Mis en place au dans les années 90, ce modèle a permis de relancer une économie danoise moribonde et de diviser le taux de chômage par quatre en quinze ans.

    Alors la flexsécurité, de quoi donner des idées à certains ? Sans la nommer, Nicolas Sarkozy en énumérait encore ses concepts lors de la conférence de presse du 8 janvier. Nul doute que la veille, il avait abordé le sujet au cours d'un repas avec... le premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen.


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